Voici le « rapport présenté devant la commission administrative paritaire du corps des agrégés siégeant en formation disciplinaire le 12 décembre 2022 pour examiner la situation administrative de Monsieur René Chiche, professeur agrégé hors classe de philosophie »
D’après l’article 2 du décret n°84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’État, « l’organisme siégeant en Conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application de l’article L. 532-5 du code général de la fonction publique, est saisi par un rapport émanant de l’autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d’un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. »
Le conseil de discipline ne peut en effet se prononcer que sur le fondement d’un rapport d’enquête émanant de l’autorité disciplinaire relatant de façon claire et circonstanciée les faits reprochés, la gravité d’une faute s’appréciant eu égard à son contexte et aux circonstances dans lesquelles ces faits se sont produits. En l’espèce, aucun fait n’est reproché à René Chiche : le rapport ne contient que des propos relevés sur un ensemble de captures d’écran dont il est impossible de déterminer la provenance ainsi que l’authenticité.
A noter : le rapport comporte contient les états de service de René Chiche, sa notation administrative et pédagogique et des extraits de rapports d’inspection. Il en ressort que René Chiche est « un excellent professeur ». La suite du rapport ne contient aucun fait et se borne à reproduire 69 tweets attribués à René Chiche issus des 300 tweets insérés dans son dossier administratif sous forme de captures d’écran très peu lisibles. Aucun lien n’est établi entre ces propos et le fonctionnement du service public. C’est donc de façon arbitraire et nullement circonstanciée que ces « faits » sont rapportés et considérés comme fautifs par une administration qui n’est pas compétente pour exercer envers des expressions publiques la moindre censure. La présentation des propos de René Chiche est également fort contestable, pour ne pas dire malhonnête, comme il s’en explique dans sa déclaration devant la commission :
Il s’en faut de beaucoup que vous me fassiez oublier qui je suis, surtout en usant de procédés aussi grossiers que ceux qui consistent à prélever de façon arbitraire une vingtaine de propos que j’aurais tenus sur Twitter parmi les quelques 18 000 que j’y ai publiés depuis que j’y suis inscrit, à les citer sans ordre et parfois sans vraisemblance, en faisant abstraction du contexte, de ce qui suit comme de ce qui précède ainsi que de la personnalité et du style de leur auteur, toutes choses entre autres que l’on apprend précisément à ne pas faire à nos élèves quand on cherche à les instruire un tant soit peu et à leur inculquer les bases de la pensée rigoureuse et de l’honnêteté intellectuelle ! Par un tel procédé, on pourrait faire passer n’importe quel chef d’œuvre de la littérature pour le journal d’un aliéné. Par un tel procédé, on pourrait faire passer un homme de science ou un président de la République pour un idiot ou une crapule. « Je traverse la rue et je vous en trouve, un emploi ! » ; « on met un pognon de dingues dans les minima sociaux et les gens restent pauvre ! » ; « certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d'aller regarder s'ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas » ; « une gare, c'est un lieu où on croise les gens qui réussissent et ceux qui ne sont rien » ; « le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien » ; « les non-vaccinés, j’ai bien envie de les emmerder » ; « on les aura ces connards » : ce sont là des propos tenus par l’actuel président de la République et dont il serait particulièrement malhonnête d’en déduire quoi que ce soit sur leur auteur ni de prétendre que celui-ci porte atteinte à la fonction tant l’usage d’un tel verbatim à cette fin serait contraire aux exigences les plus élémentaires de la critique aussi bien qu’à l’éthique de la discussion. J’ajoute qu’user d’un tel procédé lorsqu’on fait partie de l’éducation nationale, et ce quels que soient le rang et la fonction qu’on y occupe, est particulièrement inconvenant, tout comme n’est pas digne et n’est pas non plus très sérieux le fait de s’en servir contre un professeur dont le métier consiste précisément à former le jugement et l’esprit critique des élèves qu’on lui confie afin qu’ils ne se laissent pas influencer par les premiers charlatans venus.