Déclaration au conseil de discipline

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« Je ne sais trop, Athéniens, quel effet mes accusateurs ont pu produire sur vous. Pour moi, en les écoutant, j’ai failli oublier qui je suis, tant leurs discours étaient persuasifs. »

Commission administrative paritaire des agrégés siégeant en formation disciplinaire le 12 décembre 2022

Déclaration liminaire de Monsieur René CHICHE à annexer au procès-verbal

déclaration RC CAPA

Monsieur le président, mesdames et messieurs, chers collègues,

En écoutant le discours de l’accusation, puisqu’il faut appeler les choses par leur nom, je n’ai pu m’empêcher de songer à Socrate. Lors de son procès, ses premières paroles ce jour-là, telles que Platon nous les rapporte au début de l’Apologie, me sont revenues en mémoire : « Je ne sais trop, Athéniens, quel effet mes accusateurs ont pu produire sur vous. Pour moi, en les écoutant, j’ai failli oublier qui je suis, tant leurs discours étaient persuasifs. »

Je le confesse, à mon tour j’ai failli oublier qui j’étais lorsqu’il m’a fallu lire jusqu’au bout la lettre de quatre pages du 16 septembre 2022 qui m’a appris qu’une procédure disciplinaire était engagée contre moi pour, je cite, des « propos inappropriés envers des personnalités publiques, sur la politique sanitaire du gouvernement et sur la guerre de la Russie contre l’Ukraine tenus sur le réseau social Twitter ». J’ai reçu cette lettre le 21 septembre, voici donc bientôt trois mois, un mercredi précisément, juste après les quatre heures de cours de philosophie que je venais de donner au lycée Lumière. Et je dois avouer que je ne suis parvenu à son terme que le jour suivant tant elle me tombait des mains pour ainsi dire à chaque phrase. En la lisant, je me suis demandé de qui l’on parlait et quel était ce fou furieux du nom de René Chiche.

Mais en vérité il s’en faut de beaucoup que vous me fassiez oublier qui je suis, surtout en usant de procédés aussi grossiers que ceux qui consistent à prélever de façon arbitraire une vingtaine de propos que j’aurais tenus sur Twitter parmi les quelques 18 000 que j’y ai publiés depuis que j’y suis inscrit, à les citer sans ordre et parfois sans vraisemblance, en faisant abstraction du contexte, de ce qui suit comme de ce qui précède ainsi que de la personnalité et du style de leur auteur, toutes choses entre autres que l’on apprend précisément à ne pas faire à nos élèves quand on cherche à les instruire un tant soit peu et à leur inculquer les bases de la pensée rigoureuse et de l’honnêteté intellectuelle !

Par un tel procédé, on pourrait faire passer n’importe quel chef d’œuvre de la littérature pour le journal d’un aliéné. Par un tel procédé, on pourrait faire passer un homme de science ou un président de la République pour un idiot ou une crapule. « Je traverse la rue et je vous en trouve, un emploi ! » ; « on met un pognon de dingues dans les minima sociaux et les gens restent pauvre ! » ; « certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d’aller regarder s’ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas » ; « une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et ceux qui ne sont rien » ; « le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien » ; « les non-vaccinés, j’ai bien envie de les emmerder » ; « on les aura ces connards » : ce sont là des propos tenus par l’actuel président de la République et dont il serait particulièrement malhonnête d’en déduire quoi que ce soit sur leur auteur ni de prétendre que celui-ci porte atteinte à la fonction tant l’usage d’un tel verbatim à cette fin serait contraire aux exigences les plus élémentaires de la critique aussi bien qu’à l’éthique de la discussion. J’ajoute qu’user d’un tel procédé lorsqu’on fait partie de l’éducation nationale, et ce quels que soient le rang et la fonction qu’on y occupe, est particulièrement inconvenant, tout comme n’est pas digne et n’est pas non plus très sérieux le fait de s’en servir contre un professeur dont le métier consiste précisément à former le jugement et l’esprit critique des élèves qu’on lui confie afin qu’ils ne se laissent pas influencer par les premiers charlatans venus.

Non monsieur le président, vous ne me ferez pas oublier qui je suis. Et permettez-moi, avant d’entrer dans le vif du sujet et puisque j’ai la parole, de vous rappeler d’abord, à vous ainsi qu’à tous, qui je suis, notamment car j’en ai assez que l’on se serve de mes propos, dont je maîtrise parfaitement l’écriture, employant la langue française avec rigueur comme j’apprends chaque jour à mes élèves à le faire, pour me faire passer pour ce que je ne suis pas et m’imputer des opinions que je n’ai jamais défendues ou que je réprouve, comme par exemple lorsqu’on ose me faire passer pour un « complotiste anti-vax » (sic) ayant assimilé le « passe vaccinal » à l’étoile jaune ou les non-vaccinés aux victimes de la déportation, ce qui n’est rien moins qu’une diffamation qui, j’y reviendrai dans un moment, a été relayée par un certain nombre de « personnalités publiques » dont certaines « incarnent le pouvoir législatif » comme vous dites, ce qui a alimenté une campagne d’injures publiques à mon endroit et un harcèlement dont je suis fondé à demander à l’institution que vous représentez de me protéger avant tout.

Qui je suis ? Lauréat du concours de la résistance et de la déportation au collège, lauréat du concours général des lycées, mon « cursus honorum », comme me l’a amicalement écrit un jour Xavier Darcos alors qu’il était ministre de l’éducation nationale, s’est arrêté à la khâgne de Louis-le-Grand lorsque, devenu père de famille à dix-neuf ans, j’ai dû passer le CAPES puis l’agrégation de philosophie sans guère avoir le loisir de poursuivre plus avant mes études. Qui je suis ? Un professeur totalement investi dans son enseignement et remercié pour la qualité de celui-ci par ses inspecteurs mais surtout par ses élèves, élèves dont je conserve dans ce cartable que je n’ouvre d’ailleurs jamais en classe quelques-uns des mots les plus émouvants, précisément pour me rappeler qui je suis dans les situations où l’on cherche à me le faire oublier comme aujourd’hui – le dernier de ces mots datant du mois de juillet 2022 se termine par cette phrase : « Merci pour cette année, nous avons eu beaucoup de chance de vous avoir en tant que professeur de philosophie ». Qui je suis ? Un professeur de philosophie ayant écrit quelques articles remarqués et qui font référence dans la matière que j’enseigne et la manière de l’enseigner, ainsi que plus récemment l’auteur d’un petit livre sur la désinstruction nationale, salué par des personnalités dont je fais grand cas du jugement telles que Régis Debray, Souad Ayada ou Alain Morvan, pour ses qualités d’analyse autant que de plume. Qui je suis encore ? Un fonctionnaire dont la manière de servir a toujours été louée par sa hiérarchie à l’époque où cette dernière était appelée à l’apprécier annuellement par une note et une appréciation, ce qui m’a valu d’être promu au grand choix pendant la plus grande partie de ma carrière et de parvenir au dernier échelon de la hors-classe sans avoir jamais fait autre chose que mon métier avec discrétion, pour ne pas dire humilité, comme me l’ont appris mes maîtres. Qui je suis encore ? Un enseignant qui a de surcroît des idées sur l’école et la façon d’améliorer certaines choses, à l’origine d’un projet qui m’avait valu des remerciements et le soutien actif du précédent recteur, Jean-Paul de Gaudemar, tandis que j’en suis à ma troisième procédure disciplinaire avec le recteur Bernard Beigner !

Enfin, je suis également depuis 2017 vice-président national et porte-parole du syndicat de l’éducation nationale de la CFE-CGC, Action & Démocratie, dont le président national et le président académique sont ici présents, et membre du conseil supérieur de l’éducation où je représente la CFE-CGC ; et l’on pourra là encore se faire une idée pluis précise de ce que je suis en lisant nos déclarations préalables dans cette instance où je me flatte d’avoir porté pour la première fois la parole ferme, claire et instruite de « ceux du terrain » comme Maurice Genevoix parlait de « ceux de 14 », c’est-à-dire ceux qui subissent au quotidien les conséquences désastreuses de réformes ineptes que vous mettez en œuvre avec plus ou moins de zèle en fermant les yeux sur la réalité de la désinstruction nationale à laquelle vous collaborez.

Or c’est à ces derniers titres principalement que je m’exprime sur les réseaux sociaux et sur Twitter notamment, où j’ai eu plusieurs fois l’occasion de dire que je n’avais pas l’intention de compromettre la philosophie ni de parler des choses les plus importantes et les plus utiles que je réserve, comme il se doit, à la classe et à mes élèves. Au demeurant, et comme je le rappelle au début de l’un des chapitres de La désinstruction nationale, je suis le premier à concéder qu’un professeur, et qui plus est un professeur de philosophie, n’a rien à faire sur Twitter, ce que mon épouse est la plus virulente et la plus légitime à me rappeler, elle qui qualifie mes gazouillis ainsi que ceux qui y circulent de « pets de lapin ». Il n’en reste pas moins que, par l’importance prise par mon compte sur ce réseau social, qui totalise entre 5 et 17 millions de vues par mois, il est devenu de fait un outil et un vecteur de la communication d’Action & Démocratie que je ne peux me résoudre à supprimer quand bien même j’en aurais, ce qui est le cas, le vif désir. Puisque donc vous avez décidé d’engager une procédure disciplinaire contre moi en raison de mon expression publique sur Twitter, sachez, comme l’indique assez mon « profil » sur ce réseau, qu’elle n’est pas l’expression du simple citoyen ni du professeur que je suis mais qu’elle est aussi, et on me le fait bien sentir, celle d’une organisation syndicale dont je suis l’un des principaux représentants et le porte-parole, et qu’à travers moi c’est donc toute cette organisation que vous choisissez de mettre en cause, et surtout d’humilier.

Oui, je dis bien humilier, car je ne peux qualifier autrement la façon dont vous m’avez traité depuis que j’ai reçu votre courrier du 16 septembre jusqu’à ce jour. Vous ne pouviez ignorer que vous engagiez une procédure disciplinaire à la veille des élections professionnelles contre un responsable syndical candidat à ces élections, et non des moindres puisque je figurais à la fois en première position sur la liste présentée par Action & Démocratie au scrutin du CSA ministériel ainsi qu’en position éligible sur les listes présentées aux scrutins de la CAPN du second degré et du CSA de proximité d’Aix-Marseille, académie dans laquelle nous venons de nous implanter et nous sommes présentés tant bien que mal pour la première fois cette année. C’est la raison pour laquelle, dès réception de votre lettre, le 21 septembre, je vous ai écrit ès qualités pour solliciter en urgence un entretien en marge de cette procédure dans l’espoir de vous convaincre de la suspendre ou de la reporter afin qu’elle n’interfère pas dans le processus électoral (pièce n°1). Vous n’avez pas daigné répondre à une demande qui vous était pourtant adressée par le vice-président national d’une organisation syndicale, certes non représentative au sens de la loi mais reconnue et traitée avec égard dans d’autres académies et par l’administration centrale. J’ai insisté et vous ai envoyé un deuxième courriel le lendemain (pièce n°2), en renouvelant ma demande d’un entretien urgent tout en vous indiquant que je ne pouvais pas décemment comparaître devant une commission paritaire dont le renouvellement était précisément l’un des enjeux de l’élection qui approchait, étant moi-même de facto en concurrence avec les membres sortants de cette commission dans le cadre de cette élection. Je vous ai adressé cette demande d’entretien en tant que vice-président national d’Action & Démocratie et non seulement vous n’y avez pas répondu mais Madame Misery, chef de la DIPE qui a semble-t-il été chargée de m’informer de votre fin de non-recevoir, s’est adressée dans son courriel à « Monsieur le professeur » en ignorant ainsi superbement et lourdement que c’est en qualité de vice-président d’Action & Démocratie que j’avais écrit (pièce n°3), ce que je lui ai fait remarquer dans ma réponse également adressée à messieurs le recteur et le secrétaire général, ainsi qu’au directeur du cabinet du ministre en copie (pièce n°4).

Dans votre lettre du 16 septembre, vous m’aviez pourtant invité à venir consulter mon dossier administratif le 29 septembre. J’avais demandé à pouvoir m’entretenir avec vous à cette occasion ou bien le 27, en marge d’une réunion consacrée à la préparation des élections professionnelles. Vous l’avez refusé. Néanmoins, étant moi-même présent le 27 septembre à cette réunion, j’ai pu contraindre Monsieur Bourdeaud’huy à m’écouter et, bien qu’il se soit dit incapable de prendre une quelconque décision, j’ai pu au moins lui demander de vous faire part de notre mécontentement, ce qui n’a eu évidemment aucun effet. Devant votre obstination à ignorer nos demandes les plus légitimes, il a donc fallu que nous écrivions au ministre (pièce n°5) pour lui faire valoir les raisons évidentes de suspendre cette procédure pendant la période précédant les élections, ce à quoi il a naturellement consenti, vous contraignant de la sorte – enfin ! – à reporter cette commission. Entre temps, vous aviez cependant déjà une fois, à votre initiative, repoussé cette commission qui devait se réunir le 14 octobre à 14h initialement, et l’avez reporté au 7 novembre à 9h. J’avais demandé à vos services de m’en fournir la raison et je n’ai jamais eu d’explication (pièce n°6). Enfin, et pour finir d’énumérer les mauvaises manières que j’ai dû subir jusqu’à aujourd’hui, je vous ai demandé à plusieurs reprises et dès le 5 octobre de me faire connaître la composition exacte de la commission et vous m’avez refusé cette information sans même daigner me le dire (pièce n°7). En revanche, vous m’avez demandé jeudi dernier, sous prétexte de plan Vigipirate ou parce que ma venue ici présentait peut-être selon vous un risque (pourquoi pas ? au point où nous en sommes…), de vous donner les noms des personnes qui m’accompagneraient aujourd’hui en me menaçant de ne pas les laisser entrer si je ne vous répondais pas, ce que j’ai fait quant à moi sur-le-champ tout en renouvellement ma demande concernant les noms des représentants du personnel à cette commission ainsi que celui du président : cela m’a été refusé dans les mêmes conditions que précédemment, c’est-à-dire sans un mot (pièce n°8). Or même si vous n’êtes pas contraint par les textes à me la donner, c’est une information capitale pour moi dans la mesure où certains de ces représentants, outre le fait qu’ils appartiennent à des organisations avec lesquelles nous étions en concurrence électorale et restons en concurrence à bien des égards, certains de ces représentants étaient susceptibles d’avoir avec moi un contentieux qui malgré les années n’est pas encore apuré. Il m’eut été utile de m’y préparer. Bien entendu, je n’en aurais pas fait argument pour les récuser, ce qui n’est d’ailleurs pas possible, et je l’aurais d’autant moins fait que cela eut été inutile puisque, je vais maintenant entrer dans le vif du sujet, cette procédure n’a pas d’objet. Reste qu’il eut été plus convenable à tous égards que je ne découvre pas la composition de cette commission aujourd’hui.

Ces façons que vous avez eu envers moi en niant ma qualité de représentant syndical sont inacceptables et nous les tenons pour humiliantes envers notre organisation, tout comme il est inacceptable que le recteur n’ait encore jamais daigné répondre à notre président académique qui lui a demandé audience peu après sa prise de fonction, voici un an. Seule l’académie d’Aix-Marseille se permet de traiter ainsi un président académique d’Action & Démocratie. Nous sommes donc ici aussi, le président national, le président académique et moi-même, pour entendre vos explications à ce sujet.

Je tiens à souligner une dernière chose avant d’en venir à l’objet de cette procédure, et souhaite qu’elle figure aussi au procès-verbal de cette séance. Depuis le 16 septembre, date de votre lettre annonçant l’engagement d’une procédure disciplinaire lourde envers moi, une procédure qui indique votre volonté de pouvoir éventuellement m’infliger une sanction relevant du deuxième, troisième ou quatrième groupe, et suite aux multiples reports de cette réunion, il s’est écoulé près de trois mois ; trois mois pendant lesquels j’étais censé continuer à exercer mes fonctions d’enseignement dans un contexte dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’y était pas favorable, tant l’existence même de cette procédure m’a privé pendant tout ce temps de la sérénité indispensable à un professeur pour faire son métier. Cela pose aussi la question du choix de la date à laquelle vous avez décidé d’engager une telle procédure. En effet, il résulte des documents qui figurent dans mon dossier administratif que des captures d’écran ont été effectuées entre le 06 janvier et le 08 mars 2022, si l’on en croit les dates qui y apparaissent, et ce en dépit de toutes les réserves que suscitent la nature de ces documents. Puisque vous avez estimé que, je cite votre lettre du 16 septembre, « la gravité des faits commis » vous conduisait à devoir engager une procédure disciplinaire à mon encontre, j’aimerais savoir pourquoi vous ne l’avez pas fait avant. Et pour être encore plus explicite, pourquoi n’avez-vous pas engagé une telle procédure à une période de l’année qui aurait entraîné moins de perturbation sur le service, comme par exemple en fin d’année scolaire 2021-2022 ? Il n’est en effet pas anodin, et à vrai dire il est même profondément regrettable que, si vous disposiez de ces documents dès le mois de mars, vous ayez attendu le mois de septembre pour engager une procédure dont vous ne pouviez pas ignorer les conséquences aussi bien sur le processus électoral auquel je prenais part que sur le service et l’intérêt des élèves dont vous m’avez confié la charge à partir du 1er septembre. Mais peut-être ne disposiez-vous pas de ces documents à ce moment, ce qui m’amène à vous demander à partir de quel moment vous en avez disposé et quelle est alors leur provenance.

Quel est donc l’objet de cette procédure ? Mesdames et messieurs, je n’ai pas l’intention de vous faire perdre votre temps et je vais donc aller à l’essentiel. Vous dites, Monsieur le secrétaire général, que « au regard de la gravité des faits commis », vous avez décidé d’engager une procédure disciplinaire contre moi en arguant de propos que j’aurais tenus sur Twitter, propos que vous m’attribuez sans la moindre hésitation, que vous m’imputez sans la moindre précaution et que vous qualifiez d’inappropriés. Vous évoquez pêle-mêle des propos que j’aurais tenu envers des personnalités publiques en amalgamant sous ce terme des membres du gouvernement, le président de la République, une soi-disant humoriste, des « personnes qui incarnent le pouvoir législatif ». Vous me reprochez des propos sur la politique sanitaire du gouvernement. Vous allez jusqu’à me reprocher d’avoir critiqué l’action diplomatique de la France dans le cadre du conflit opposant la Russie à l’Ukraine.

Pardonnez-moi cette remarque préalable mais aucun des propos que vous m’attribuez ne constitue un « fait », ni au sens propre, ni au sens juridique. Je ne suis pas ici pour m’expliquer sur mes opinions, comme chacun de vous en conviendra sans que j’ai besoin d’argumenter ce point. Nous sommes ici pour examiner des faits et déterminer dans quelle mesure ils constituent des manquements à mes obligations professionnelles, étant précisé que ces « faits » sont constitués d’une part de propos que j’aurais tenus en dehors de l’exercice de mes fonctions et d’autre part de propos concernant des sujets qui ne se rapportent ni de près ni de loin à celles-ci ni même à l’institution au nom de laquelle vous agissez.

Mais surtout, je dis : « des propos que j’aurais tenus », comme j’ai parlé auparavant des « propos que vous m’attribuez » car, Monsieur le président, je ne me reconnais pas dans ces propos et ne reconnais pas non plus en être l’auteur, à une exception sur laquelle je reviendrai dans un instant.

Soyons précis. Vous m’avez invité à venir consulter mon dossier, ce que j’ai fait le 29 septembre dernier dans l’espoir d’y découvrir les « faits » qui m’étaient reprochés. Or je n’y ai rien trouvé de tel et j’ai fait immédiatement part de mon étonnement aux personnes qui m’ont reçu dont Monsieur Jason Lauraire ici présent, si bien que, pour que mon dossier contienne des propos dont je sois l’auteur et qui puissent m’être éventuellement reprochés, j’ai dû y insérer un exemplaire de mon livre publié en novembre 2019. S’agissant des propos sur Twitter qui me sont attribués, je n’ai trouvé en guise de preuve dans mon dossier qu’une liasse, pour ne pas dire un paquet, de quelques 130 pages dûment numérotées, chacune de ces pages étant une photocopie de mauvaise qualité de ce qui semble être des captures d’écran. Qui a effectué ces captures d’écran ? On ne sait pas. Dans quelles conditions ? On l’ignore. Sur quel ordinateur ? Mystère. A quelle date ? Elles semblent avoir été faites entre le 6 janvier et le 8 mars. Est-ce un montage ? Ces tweets sont-ils authentiques ? La question se pose. Comment ces captures d’écran se retrouvent-elles dans mon dossier ? La question se pose. Si je me présente aujourd’hui devant vous, c’est pour avoir des réponses précises à ces questions.

Je vais donc les répéter pour qu’elles figurent au procès-verbal avec les réponses que vous allez nous donner pour chacune. En effet, à moins d’imaginer que Monsieur le recteur ait effectué ces captures d’écran lui-même et soit en mesure de le justifier, cela ne suffirait pas à en établir l’authenticité et cette procédure ne se fonde pour l’instant que sur la présentation douteuse de documents eux-mêmes douteux et qui n’ont aucune valeur. Pour ma part, je ne reconnais pas être l’auteur des « tweets » qui figurent sur ces documents et je vous informe qu’en marge de cette procédure administrative, j’ai déjà porté plainte contre X pour usurpation d’identité, ce que j’aurais dû faire beaucoup plus tôt, notamment après avoir constaté des connexions suspectes sur mon compte qui m’ont contraint à changer mon mot de passe et à opter cette fois pour la double identification, ce que je n’avais jamais fait auparavant par négligence (pièce n°9).

Je vous demande donc de nous dire d’où viennent ces captures d’écran, qui les a faites, quand, dans quelles conditions, sur quel ordinateur, mais également quand et comment le rectorat en a eu connaissance. C’est la moindre des choses. Vous ne pouvez pas engager une procédure disciplinaire contre un professeur exemplaire dans l’exercice de ses fonctions sans même pouvoir établir les faits en dehors de l’exercice de ses fonctions que vous entendez lui reprocher. Et sans réponse à ces questions préalables, de quoi allons-nous parler ? Je ne puis répondre de propos qui n’existent pas, que je n’ai jamais tenus ou que je conteste avoir tenus.

Mais j’ai de mon côté des faits particulièrement graves à porter à votre connaissance.

Pour commencer, je vous prie de prendre connaissance de ce propos, tenu par un certain Nicolas Bays sur le réseau social Twitter : « Bloquer ce cinglé de R Chiche, ça fait du bien » (pièce n°10). Ce tweet date du 13 mars 2022. Je n’en ai pas eu connaissance sur le moment puisque l’individu en question se flatte précisément de m’avoir bloqué. Je n’ai par ailleurs jamais eu le moindre échange avec cet individu mais là n’est pas la question. Je tiens à dire, avant de poursuivre, que tous les propos injurieux et diffamatoires envers moi que je vais citer à partir de maintenant, et celui-ci compris, ont fait l’objet non pas de vagues captures d’écran mais d’un constat d’huissier en bonne et due forme que j’ai ici et qui a été transmis au procureur de la République dans le cadre des plaintes nominative et contre X que j’ai déposée pour diffamation, dénonciation calomnieuse, usurpation d’identité, harcèlement. Par conséquent, je vous parle bien ici de faits, et de faits d’une particulière gravité.

Qui est Nicolas Bays, l’individu qui me traite de cinglé sur Twitter ou qui se permet dans un autre tweet datant du 29 décembre de porter une appréciation sur mon enseignement ? Monsieur Nicolas Bays est ce qu’on appelle un « homme politique », membre du parti socialiste et député entre 2012 et 2017 qui a rejoint La république en marche en 2016. Il est également le compagnon de madame Agnès Pannier-Runacher, actuellement ministre de la Transition énergétique, et était chef de cabinet de celle-ci lorsqu’elle était dans le gouvernement précédent ministre déléguée chargée de l’industrie, poste dont il dut démissionner, un ministre ne pouvant employer son conjoint. Nicolas Bays, qui fait manifestement partie de ces gens qui n’ont qu’à traverser la rue pour trouver un poste à leur convenance, a alors été nommé chef de cabinet du ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, le 23 décembre (pièce n°12). A peine venait-il donc de devenir chef de cabinet du ministre de l’éducation, voici qu’il se permet de malmener publiquement un professeur sur Twitter ! Quel exploit ! Monsieur Nicolas Bays n’est plus chef de cabinet depuis le mois de juillet, mais il occupait encore cette fonction le 13 mars, quand il m’a traité publiquement de cinglé. Alors je comprends bien que le ministère de l’éducation nationale veille à ce que les personnels qu’il emploie ne portent pas atteinte à l’image et la réputation de l’institution et du service public de l’enseignement, et je partage ce souci sans la moindre réserve, mais la moindre des choses serait que les membres du cabinet du ministère de l’éducation nationale soient exemplaires et ne portent pas eux-mêmes gravement atteinte à l’image du ministère et du gouvernement qu’il serve. Ce ne fut pas le cas de monsieur Bays, manifestement habitué à manier l’injure sur Twitter (en parlant du député Olivier Marleix, « dit le mec [sic] qui n’a aucun talent sauf d’être le fils de son père !!! [sic] L’héritier de la politique donneur de leçons !!! [sic] Dans sa tête résonne l’écho de sa bêtise crasse !!! [sic] », pièce n°13), à pratiquer l’humour douteux (en retweetant un journaliste se moquant de l’accent de Jean Castex, pièce n°14) ou encore à exiger la démission des personnes avec lesquelles il n’est pas d’accord (en parlant d’un journaliste du Figaro, « Dites le @Le_Figaro tout va bien chez vous ??? On est à deux doigts du Club Med !!! Démission immédiate », pièce n°15).

Revenons à des choses plus sérieuses que le comportement de cet éphémère chef de cabinet du ministre de l’éducation nationale, dont je n’ai pas la preuve qu’il ait cherché à me nuire davantage qu’en me bloquant et m’injuriant publiquement sur Twitter, mais dont je ne peux exclure, eu égard aux fonctions qu’il a eu à ce moment-là, qu’il soit directement impliqué dans l’engagement de la présente procédure disciplinaire, ce qui donnerait à celle-ci une tout autre dimension.

Monsieur Nicolas Bays n’est pas seulement le compagnon actuel de Madame Pannier-Runacher, il est également l’ex-époux de madame Aurore Bergé. J’évoque ce point pour une raison précise. Tout d’abord, comme je l’ai dit précédemment, monsieur Nicolas Bays, avant de me traiter de cinglé le 13 mars 2022 sur Twitter, s’était déjà autorisé à mettre en doute mes qualités de professeur de philosophie le 29 décembre 2021. Ce même jour, et les jours suivants, j’ai subi un flot d’injures, de diffamations, de menaces qui relèvent exactement de ce que l’on appelle le cyber-harcèlement mais que je vais me contenter d’appeler ici harcèlement moral. Je vous rappelle à toutes fins utiles, comme le dit excellemment le psychiatre Marie-France Hirigoyen dans un ouvrage devenu une référence que « le harcèlement moral naît de façon anodine et se propage insidieusement. Dans un premier temps, les personnes concernées ne veulent pas se formaliser et prennent à la légère piques et brimades. Puis ces attaques se multiplient et la victime est régulièrement acculée, mise en état d’infériorité, soumise à des manœuvres hostiles et dégradantes pendant une longue période. » Je vous rappelle aussi, bien que nul ne l’ignore ici, que la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 disant qu’ « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Le 28 décembre 2021, madame Aurore Bergé, en qualité de député membre du groupe LREM à l’assemblée nationale, a publié un tweet annonçant qu’elle portait plainte contre moi en mettant en copie visible le président de l’assemblée nationale qui était alors Richard Ferrand ainsi qu’un avocat ayant auparavant exercé des mandats politiques, Me Patrick Klugman (pièce n°16). Selon le tweet de Madame Bergé, j’aurais eu recours à une « comparaison » (les guillemets sont d’elles) relevant de l’infamie et de la diffamation en disant la veille sur Twitter que « les députés qui voteront le passe vaccinal sont à mes yeux les dignes héritiers de ceux qui votèrent le statut des juifs », et s’il y a un seul propos parmi ceux que vous me reprochez d’avoir tenus que je reconnais avoir écrit en effet, c’est celui-là. Non seulement je reconnais l’avoir écrit, mais je reconnais l’avoir plutôt mal écrit aussi puisqu’il a fallu que je m’en explique, m’en ré-explique et m’en ré-ré-explique tant il a donné lieu à des contresens, des imputations absurdes et des interprétations insensées, le plus souvent de la part de personnes malveillantes. Je ne sache pas qu’une loi qui interdit l’accès à des lieux publics à des personnes qui usent de leur liberté de ne pas faire ce que la loi ne leur ordonne pas de faire, la vaccination n’étant pas obligatoire en population générale, soit autre chose qu’une loi instaurant une discrimination au sein de la population, et je ne sache pas non plus qu’une telle loi ait eu d’autres précédents en France depuis la promulgation du statut des juifs. Voilà exactement ce que j’ai dit, et qui résultait clairement des tweets que j’avais publiés précédemment sur le sujet comme de tout ce que j’écris en général en me gardant bien de confondre la virulence avec l’outrance, l’ironie avec le sarcasme ou la bêtise avec la sottise. Oui, c’est bien par lâcheté que certains députés n’ont pas voulu rendre la vaccination obligatoire et ont conçu un dispositif législatif stupéfiant visant à contraindre les personnes à faire ce que la loi ne leur ordonnait pas de faire. Oui, une telle perversion logique et juridique est contraire à tout ce que j’enseigne, à tout ce qui est enseigné par les plus grands philosophes et ce serait renier la discipline que j’enseigne non seulement que de l’approuver mais aussi de ne pas le dénoncer. Toutefois monsieur le président, mesdames et messieurs, ce n’est pas devant une commission paritaire qui siège en formation disciplinaire que j’ai à me justifier sur un tel sujet. En outre et contrairement aux allégations de madame Bergé, je n’ai diffamé personne dans ce tweet, j’ai exprimé un jugement très sévère sur une situation précise en usant d’un langage châtié qui n’a rien à voir avec les insanités et les propos orduriers que je lis quand il m’arrive de « lire » ce qui se publie sur Twitter et notamment à mon sujet. Et si je reconnais néanmoins devant vous que ce tweet était assez mal écrit, c’est qu’en effet, pour abréger, j’ai fait comme si les députés qui avaient voté les pleins pouvoirs à Pétain avaient voté le statut des juifs, ce qui est évidemment inexact. Mais puisque madame Bergé prenait à témoin le monde entier qu’elle portait plainte contre moi, c’est bien devant un tribunal que j’espérais pouvoir m’expliquer (pièce n°17), et nullement devant l’administration ni une commission paritaire, ni l’une ni l’autre n’étant compétente en l’espèce. Je le redis, à moins que vous ne trouviez dans ce tweet des propos manifestement orduriers et portant atteinte à l’image et la réputation de l’institution scolaire, ce qui n’est nullement le cas, je ne vois pas pourquoi je devrais m’en expliquer ici. Si en revanche vous voulez avoir quelques exemples de propos tenus par des personnels qui ternissent la réputation de l’éducation nationale, je peux vous en fournir des milliers d’exemples. J’en ai ici un minuscule échantillon que, par respect pour les collègues qui en sont les auteurs, je ne veux ni citer ni joindre au procès-verbal, et vous remercie par avance de respecter ce choix.

Il n’en reste pas moins qu’en annonçant qu’elle déposait plainte contre moi, ce qu’elle n’a pas fait ou qui n’a pas eu de suite, la députée Aurore Bergé a ouvert les vannes d’un torrent de haine et de boue que je ne cesse de subir depuis. D’autant plus qu’elle ne s’est pas contentée de dire qu’elle portait plainte, elle s’est permise de mettre en cause mes compétences de professeur (« Dire qu’il enseigne à nos enfants… », pièce n°18), encourageant ses collègues députés à en faire autant, comme une certaine Coralie Dubost se permettant d’écrire, en mettant le ministre Jean-Michel Blanquer en copie, « j’interroge ce que vous transmettez à la jeunesse » (pièce n°19), pour ne rien dire de cette autre députée, une certaine Marie-Christine Verdier-Jouclas écrivant, après une série d’émoticônes grotesques : « ce ne sont pas ses cris d’orfraie du ban ou autres comme vous dites, mais des cris qui se scandalise (sic) votre monstruosité ! Je vous dénonce et je porte plainte contre vous ! » (pièce n°20), ce à quoi j’avais alors encore la force de répondre par l’humour en lui proposant de l’aider à rédiger sa plainte contre moi (pièce n°21).

L’annonce de madame Bergé ne s’est pas limitée à Twitter, la presse (et même la télévision où madame Bergé s’est exprimée sur moi en mon absence) lui a donné un très grand écho, du quotidien Le Parisien jusqu’au magazine Clozer en passant par l’AFP et un média israélien du nom de The Times of Israël (pièces n°22 à 25), tout en étant assez prudente, objective et soucieuse de citer quelques-unes de mes mises au point à l’attention de ceux qui m’avaient mal lu ou me faisaient dire ce que je n’avais pas dit (comme le fait d’assimiler le sort des personnes non-vaccinées à celui des juifs durant la déportation, ce qui est une ineptie que certains intellectuels et certains collègues ont osé m’imputer, y compris des « amis » sur Facebook comme le journaliste Brice Couturier, l’essayiste Céline Pina, l’avocat Arno Klarsfeld ou encore le président de la fondation du judaïsme français et président du Fonds social juif unifié (FSJU) Ariel Goldmann m’agitant comme argument l’étoile jaune portée par sa mère (pièce n°26), ainsi que d’autres intellectuels à qui il a fallu que je réponde que je me prénommais Salomon (c’est mon second prénom) et que j’étais lauréat du concours de la résistance et de la déportation pour mettre un terme à ce qui commençait à devenir une campagne nauséabonde envers moi. Et puisque je viens de prononcer le mot « intellectuels », j’en profite pour préciser que ce n’est qu’avec des pairs que j’ai des échanges sur les réseaux sociaux et qu’il est fréquent que les controverses entre pairs, essayistes, intellectuels plus ou moins engagés, chroniqueurs, journalistes etc. soient virulentes, pour ne pas dire féroces. Ceci est une donnée importante pour ne pas se fourvoyer sur le ton de certains échanges, et il n’est pas anodin de remarquer que les polémiques les plus violentes que j’ai pu avoir sur le réseau Twitter, ou sur quelque autre, se sont presque toujours déroulées dans un milieu, voire un microcosme, où nous nous connaissons plus ou moins tous et où règne un certain franc-parler. Je parle d’intellectuels, d’essayistes, de chroniqueurs, non de députés ni d’hommes et de femmes politiques car c’est un milieu que je ne fréquente pas.

Reste que cette campagne nauséabonde à mon endroit a d’abord été alimentée par madame Bergé elle-même qui a délibérément instrumentalisé mon tweet et utilisé mon propos pour régler ses comptes avec ceux qui l’insultaient ou qui menaçaient des députés de son groupe parlementaire, comme le montre le titre de l’article du Parisien précédemment évoqué : « fatiguée d’être traitée de « collabo » et de « nazie », Aurore Bergé va porter plainte », ce à quoi j’ai été contraint de répondre, en complétant ce titre stupéfiant, que « fatiguée d’être traitée de « collabo » et de « nazie » (pas par moi), Aurore Bergé va porter plainte (contre moi) » (pièce n°27).

Reste aussi que, en dehors du harcèlement dont je suis l’objet et qui a débuté autour du 29 décembre, je n’ai toujours pas reçu près d’un an après la moindre citation à comparaître ni la moindre information relative à cette fameuse plainte dont on a tant parlé et dont la seule annonce m’a causé un grave préjudice, plusieurs personnalités publiques, pour reprendre votre expression, ayant dans la foulée de celles que j’ai citées précédemment mis régulièrement en cause non seulement mes compétences de professeur mais surtout ma présence même au sein de l’éducation, comme ce député honoraire dénommé Jacques Cresta qui, le 10 septembre dernier encore, se permettait de m’écrire sur Twitter : « Mais l’En ne vous a pas encore viré ? » (pièce n°28) Je précise d’ailleurs qu’une plainte pour diffamation contre cet individu a été déposée. Passer en revue les propos de même farine que j’ai dû essuyer serait fastidieux et prendrait sans doute le reste de la journée. Je pourrais citer Olivier Schneid, journaliste à la Gazette des communes, qui me harcèle systématiquement en me traitant de « complotiste » et en s’étonnant que je ne sois pas « inquiété », c’est-à-dire viré (un exemple parmi une dizaine, pièce n°29), cet autre journaliste du nom de Jérôme Godefroy écrivant le 11 mars : « Chiche, on conserve sa fiche. Au moment du jugement dernier, on sait de quel côté il ira. Avec les salauds » (pièce n°30) ou ce cher Brice Couturier parlant de moi comme d’une « canaille poutinienne » et d’un « agent d’une puissance hostile » (pièce n°31). Encore faut-il souligner que toutes ces personnes ne font qu’illustrer ce que je disais précédemment concernant la virulence de la polémique parmi ceux qui se prennent pour des intellectuels, car je passe évidemment les innombrables insultes, souvent d’une incroyable grossièreté, qui me sont adressées par des comptes anonymes et dont je ne fais aucun cas mais qui participent, les uns après les autres, à ce harcèlement en bande, qu’elle soit organisée ou non. En revanche, je fais cas de ces insultes quand elles proviennent de collègues ou de chefs d’établissement, car il s’agit là d’une faute manifeste et d’un dérapage inacceptable, comme lorsqu’un certain « M’sieur Le Chef », en réponse à un tweet dans lequel j’écris que le devoir de dire la vérité se situe au-dessus du devoir de réserve, mais que le devoir de chercher la vérité se situe bien au-dessus de celui de la dire, se permet d’écrire : « Dire la vérité, ok : @rene_chiche est un sombre connard doublé d’un abrutis [sic] de première. De rien » (pièce n°32), le profil de cet individu qui ne brille ni par son goût ni par son orthographe indiquant au public qu’il est « personnel de direction » (pièce n°33). De même que je ne puis tolérer qu’un collègue enseignant au lycée professionnel de Grasse et se présentant entre autre comme « lanceur d’alerte », particulièrement actif en matière de dénonciation calomnieuse, simplement parce qu’il n’est pas d’accord avec moi, se permette d’interpeller l’éducation nationale aussi bien que la CFE-CGC en m’accusant de « complotisme » dans l’intention manifeste de me discréditer auprès de ces deux destinataires dont l’un est cependant mon employeur.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je ne veux pas vous faire perdre davantage de temps car les suites qui seront données aux propos que je viens de vous rapporter ne relèvent pas de ce que vous avez à connaître mais d’une procédure pénale, et naturellement je solliciterai à cette fin la protection fonctionnelle, le devoir de l’administration étant de me protéger contre ce harcèlement, non d’y participer.

Résumons donc : en l’état de ce dossier, il apparaît d’une part que les faits qui me sont reprochés ne sont pas établis et que d’autre part je suis dans l’incapacité de répondre de propos que je ne reconnais pas avoir tenus. Il apparaît également que l’administration s’est saisie ou a été saisie de ces prétendus faits dans des conditions qui restent obscures mais dans un contexte qui est celui des violentes attaques dont je suis l’objet, attaques qui portent gravement atteinte à ma réputation, à mon honneur et même à mon intelligence.

A l’heure qu’il est, je devrais me trouver en face de mes élèves qui n’ont pas davantage que moi, et sans doute encore moins que moi, à subir, d’une façon ou d’une autre, les conséquences de la dégradation profonde du débat public dans ce pays auxquels les réseaux sociaux contribuent en grande partie.

Mais je ne veux pas quitter cette pièce sans que des réponses soient apportées aux questions que j’ai posées, notamment à celles qui ont trait aux conditions dans lesquelles cette procédure contre moi a été engagée.